Le voyageur fixait le sol boueux, voyant défiler devant ses yeux des empreintes de tous genres. Sa monture se frayait elle-même un passage au travers de la foule. Il avait depuis longtemps laissé les rênes tomber sur l’encolure, à cette allure là, mieux valait laisser la bête trouver elle-même son chemin. Il fut surpris lorsqu’elle s’arrêta enfin. Curieux, il baissa la capuche trempée par la sueur, les pluies et l’atmosphère humide du trajet pour élargir son champ de vision. Son visage dévoilé ne cachait aucune surprise. Levant lentement les yeux, ébahi, il ne put voir les sommets que des premières et plus basses tours, les autres se perdant dans une brume blanche. Certains nuages semblaient déchirés par les pointes des innombrables tours de la Citadelle.
Son regard revint en bas, et le voyageur porta la main à la nuque, craignant d’attraper un torticolis après ces contorsions. Il flatta l’encolure de son cheval, et mis pied à terre de toute la légèreté que pouvait lui avoir laissé des jours de cavalcade interminables, c'est-à-dire assez lourdement, en fait. Aussitôt, un garçon à la peau tannée s’approcha, un adolescent au visage déjà vieilli par l’air extérieur. Il portait au front une petite marque rouge, et à la poitrine un badge qui prouvait qu’il était garçon d’écurie, si bien que le voyageur lui donna rapidement les rênes de son cheval en même temps que quelques pièces tirées de sa bourse. Le garçon le remercia et partit aussitôt en tirant la bête vers les stabulations.
Un peu perdu sans le seul animal qu’il possédait, l’homme inspecta les alentours. Une immense porte semblait constamment ouverte, semblant vomir la foule. Il s’engouffra sous le porche, et aussitôt des odeurs lui sautèrent à la figure, accompagné d’un vacarme de cris et de voix graves qui tentaient de se couvrir les unes les autres.
Cette soudaine abondance de sensations lui donna des vertiges, et il tituba un moment avant de s’y accoutumer enfin. Il se trouvait alors devant une sorte d’estrade de bois, sur laquelle se tenait un homme qui gueulait et crachait un discours décousu. Certains badauds écoutaient, les autres l’ignoraient totalement. Une pancarte de chêne usée attira son attention. Il y était inscrit « Bureau des Laissez-passer ». La curiosité, et surtout le mouvement incessant de la foule, le poussa à l’intérieur.
Il mit un certain temps à trouver une place libre sur un banc, entre un vieillard voûté et une jeune fille assez belle qui écoutait très sérieusement les propos qu’un vieux démon lui tenait. Une soudaine bagarre détourna l’attention de la plupart des gens, et il en profita pour se glisser devant l’hôtesse, non sans craindre que quelqu’un remarque le subterfuge. Il se présenta, et la fille finit par lui tendre un badge, non sans lui recommander de le garder en sûreté avant de devoir le présenter. Il inclina la tête en signe de compréhension et de remerciement, et sortit de nouveau dans la cour de l’Antichambre pour s’engouffrer quelques minutes plus tard dans le Bar du Voyageur. Il joua des coudes pour approcher du comptoir et commander une Déchéance afin d’étancher sa soif. Il remercia la succube qui le servit, et sa commande en main, il appuya le dos contre le comptoir pour embrasser la salle du regard. Il vit toutes sortes de créatures, du plus minuscule diablotin au Démon des Abysses, en passant par de toujours envoûtantes succubes. Il remarqua même quelques anges assez fous et respectables pour oser s’aventurer dans ce bar.
Quand la fatigue revint se manifester à lui, il fit signe à la serveuse. « Une chambre ? » Elle fit non de la tête. « Non, mais si vous avez déjà un badge, vous pouvez aller demander à l’intérieur, à la Taverne. ». Le voyageur la remercia tout en déposant des pièces sur le comptoir, avec un généreux pourboire (une succube ne laisse jamais indifférent…), et se décida à rentrer pour de bon dans le cœur de la Citadelle.
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Sujet: [Lieu] L'Antichambre