Le retour de la luxure...

hrp : mieux vaut tard que jamais pour la poster ici...

Chapitre 1 - L'errance

Une succube errait, sans but apparent, dans les montagnes au nord de Limestone Rock... Sa démarche paraissait peu sûre, peut-être à cause du froid ambiant... Elle était encapuchonnée dans une cape légère qui dévoilait allègrement ses charmes, et le vent froid mordait sa chair nue.

En fait, Venusya savait pertinemment ce qu'elle cherchait. Très précisément de surcroît. Cela faisait maintenant des semaines que des rêves la tourmentaient. Elle y voyait toujours la même rengaine : le carnage, le sang, puis la perte d'un être cher, l'errance, le froid, puis... l'obscurité.
Au début insignifiants, ces songes se sont fait lancinants, de plus en plus dérangeant, même parfois pendant de courts instants durant la journée, alors qu'elle était pleinement éveillée. La nécessité de mettre fin à ceux-ci devenait urgente… et pas seulement pour elle-même.

Jetant un regard à gauche puis à droite pour se repérer, Venusya marmonna « Cela ne doit plus être très loin… », sembla se perdre dans ses pensées pendant quelques secondes, puis elle se remit en route, l’air toujours plus déterminé.

Au fur et à mesure que les rêves s’étaient répétés, ils s’étaient affinés. Et plus ils s’affinaient, plus Venusya sentait le besoin de se confier à ses consœurs de la Hell’s Squad. Ses rêves même semblaient le lui conseiller. Un jour elle alla voir Ciguë, et lui raconta ses tourments… Une longue discussion s’ensuivit, à l’issue de laquelle, plusieurs heures plus tard, Venusya s’équipa et sortit de la Citadelle des Âmes en direction du sud, sur les conseils avisés de la demi-angelle.

Au détour d’une ravine, Venusya trouva enfin une marque ne laissant aucun doute sur le chemin suivi et à suivre. Se baissant, elle ramassa la plume rouge, la regarda plus attentivement, sourit, et se remit en route, accrochant l’objet convoité dans sa chevelure d’obsidienne. Elle allait pouvoir atteindre le but de sa quête, qui aurait sûrement de nombreuses répercussions…

Chapitre 2 – La préparation

La succube marche encore de nombreuses heures dans le froid, s’ajoutant aux nombreuses journées d’errance déjà affrontées. Mais à présent, chaque pas la rapprochait un peu plus de son objectif, et peut-être de sa délivrance, ainsi un feu nouveau brûlait en elle.

Peu avant de partir, au moment de se préparer pour son voyage vers le sud, elle s’était demandée ce que pourrait être l’issue de celui-ci. Elle avait un acte à accomplir, c’était sa seule certitude. Elle ne savait pas trop ce qu’elle allait trouver au final, ni ce qui allait se passer véritablement. Néanmoins, elle avait pris le nécessaire pour mener à bien le rituel qui lui était dévolu : quelques bougies, de l’encens et un parchemin sur lequel étaient inscrits les glyphes et les paroles dont elle aurait besoin une fois sur place. Sa besace n’était pas large, mais suffisante pour ce matériel ajouté à quelques vivres élémentaires. Mais elle était consciente que si elle ne trouvait pas à son arrivée le complément escompté à la suite de son entretien avec la demi-angelle, elle ne tiendrait pas longtemps dans ces contrées glacées…

En son for intérieur, elle doutait d’avoir un avenir à l’issue de sa quête… Elle eut soudain un sentiment de peur et de préservation au cœur de ses entrailles, sentiment qu’elle brima aussitôt du fait qu’elle ne pouvait se laisser distraire, car son objectif premier était atteint : devant elle se tenait l’igloo fabriqué des mains de Ciguë des mois auparavant… L’excitation pris le pas sur la fatigue et elle se rua à l’intérieur pour trouver le corps congelé, parfaitement conservé dans toute sa dangereuse beauté, mais totalement inerte, de l’être qui fut autrefois l’épouse du Seigneur des Flammes Kazuya, la Reine Succube Teranya, charmeuse aux cheveux et au regard écarlates, regard bien éteint à présent…
Elle portait la robe de plumes angéliques imbibées d’un sang écarlate que lui avait offert Kamûle comme cadeau de mariage. Celle-ci était légèrement abîmée par endroit mais elle ne faisait que rehausser les formes généreuses de la succube.
Venusya resta de longues minutes à observer silencieusement sa cousine qui, bien qu’inerte, était bel et bien à l’origine de ses hallucinations. Par quel mystère elle était soudainement tombée ? Par quel mystère encore plus profond était-elle entrée en contact via les songes avec sa cousine ? Toujours est-il que par ces rêves furent soufflées à Venusya des instructions de plus en plus précises au fur et à mesure des semaines et de l’avancée de la succube sur le cheminement de sa quête.
Elle sortit ses bougies et les disposa autour du corps de sa parente, de manière à dessiner, une fois allumées, les sommets d’un pentacle. La succube sortit ensuite les bâtons d’encens qu’elle alluma selon le même schéma, et commença à entonner, non sans appréhension, les quelques paroles dont le sens complet échappaient à sa conscience.

« Yew Weiv Tuccou, kyo ey foll an chong, refart ! Raw ti kwoll Pwey ta Koin o yew falm, é fart lef ne reyet, do desor mo ta oto ! »

Tout au long de ces mots, Venusya sentait les brumes envahir son esprit, mais elle se refusait à arrêter sa lente litanie. Elle avait fait le serment d’aller jusqu’au bout, et rien ne l’arrêterait ! C’est finalement dans l’inconscience que sombra la succube, tout contre sa parente et que le silence, dans l’igloo, se fit…

Chapitre 3 – Le baiser

« Où suis-je ? » demanda la succube d’une voix peu assurée.

Sa propre voix semblait immatérielle dans l’immensité brumeuse au cœur de laquelle elle se tenait.

« Nous sommes dans ton esprit » répondit une voix derrière elle.

Venusya se retourna et se retrouva face au physique d’une beauté sulfureuse de sa cousine.

« Tera ! » s’écria-t-elle.

Elle fit qu’elle pas dans sa direction, puis s’arrêta, la mine sévère et le regard rouge sang pénétrant de la reine succube la rendant perplexe.

« Que se passe-t-il ? Pourquoi cette mine d’enterrement ? Pourquoi ces rêves lancinants ? Pourquoi sembles-tu décédée ? » s’exclama vivement la succube aux yeux d’émeraude.

Teranya sourit froidement puis ses traits se durcirent à nouveau.

« Chaque événement a sa raison, ou sa cause…

Il y a des mois de cela, la perte tragique de mon Kazuya au sommet de son pouvoir me rendit immensément triste, et vidée de toute émotion…

Malgré la formidable forme physique dont j’étais dotée, mon corps subissait les désastres de la mélancolie dans un défi de vivre qui n’était plus alors réalisable…

Errant de nombreuses semaines, j’ai finalement croisé la route de ta sœur d’armes Ciguë, à qui j’apportai mon soutien. Sa joie de vivre et sa force d’âme m’ont redonné, au fond de moi, l’espoir dans un futur possible, en dépit du désespoir dans lequel j’étais plongée.

C’est ce qui me permit de « survivre » au-delà de l’abattement de mon corps dans la neige, refusant d’avancer plus loin. Mon esprit était revigoré, mais mon corps était à la merci des éléments. Ciguë veilla sur mon enveloppe charnelle, et je ne l’en remercierai jamais assez. »

Venusya buvait les paroles de la puissante succube, quand une question lui vint :

« Mais que viens-je faire dans tout ça ? »

Un nouveau sourire emprunt d’ironie s’esquissait sur les lèvres de Teranya.

« J’y viens… Pour sortir de cette espèce de coma où j’apparais comme dénuée de vie, il me fallait trouver un moyen d’entrer en contact avec le monde extérieur et réfléchir à la façon de récupérer mon corps et la pleine possession de mes moyens.

Pendant des mois, j’ai vainement essayé de contacter Ciguë, mais son esprit ne m’étais pas assez familier pour réussir à établir une communication. C’est là que tu interviens, ma douce cousine… En tant que parente ayant grandi avec moi, il m’était beaucoup plus aisé de te contacter, puis de faire en sorte que tu viennes me chercher. »

La reine succube ne semblait pas émue, ou même ressentir une quelconque joie, Venusya ne comprenant pas l’origine d’une telle froideur. A l’inverse, elle était plutôt heureuse de pouvoir venir en aide à sa cousine. Elle demanda, tout sourire :

« Alors, maintenant que je suis là, en quoi puis-je t’aider ? »

Le visage de Teranya s’éclaira lorsqu’elle prononça ces mots :

« En mourrant ! »

La succube au port royal se retrouva en un instant au contact de sa cousine, la frappant à l’abdomen à une vitesse fulgurante. Pliée en deux, le souffle coupé, Venusya releva péniblement la tête pour tomber sur le regard plein de mépris de la reine succube.

« Mais… Pourquoi ? »

L’incompréhension était perceptible dans la voix de la succube qui se sentait légitimement trahie…
Un revers du pied dans son bassin mis fin temporairement à ses incertitudes en l’envoyant bouler au loin : sa cousine ne plaisantait guère… Il leur était arrivé de se battre amicalement dans leur jeunesse, mais ici elle ne sentait pas de retenue dans les coups de Teranya.
Le désespoir l’envahit soudain : tout ce chemin pour en arriver à se faire ‘tuer’ au sein même de son esprit ? Cherchant désespérant une once d’espoir sur lequel se raccrocher, elle balaya les brumes du regard pour les voir progressivement s’estomper et prendre une forme familière à la succube… Même si elle n’arrivait pas à se rappeler quel était ce lieu… La voix de sa cousine résonna à travers les brumes :

« Ah, je vois que tu as choisi ton champ de bataille ! Prendre le lieu où nous combattions jadis est assez inattendu de ta part, mais cela ne changera pas l’issue du combat ! »

Tout en disant ces mots, Teranya se rapprochait pour repartir à l’attaque. Venusya s’était relevée à présent, et esquiva la charge, puis para les deux coups suivants. Au troisième coup paré, elle répliqua par un direct du gauche qui saisit Teranya et l’obligea à reculer… La reine succube n’était pas au fait de sa puissance, pensa Venusya et cela pouvait jouer en sa faveur… Reculant de quelques pas, elle se heurta à un arbre, un des multiples arbres qui constituaient la forêt de ses escapades de jeunesse avec sa cousine. Réfléchissant une seconde à l’apparition de ces arbres, elle eut une idée. Fermant les yeux et se concentrant, elle se revit lors d’un des nombreux duels à l’arme blanche qu’elles avaient exécutés. Tenant une lame courbe, elle s’imagina embrochant sa cousine de part en part. Si la pensée lui était difficilement supportable, cela semblait pourtant nécessaire d’en arriver là.

Elle rouvrit les yeux et hoqueta de surprise à la vive douleur qui lui déchira chacune de ses épaules. Sa lame imaginaire était bien plantée dans l’abdomen de la reine succube qui ne semblait pas s’émouvoir davantage du flot de sang qui s’écoulait. A l’inverse un sourire satisfait ornait son visage, regardant avec joie les deux lames plantées dans les épaules de sa frêle cousine.

« Merci de m’offrir les armes de ta destruction, tu as de si riches idées ! »

« Pitié Tera, reviens à la raison, ne me tues pas ! »

« Tu es d’un ennui… Chère cousine… »

« Non, Tera, ne fais pas… »

L’interrompant, les mots claquèrent dans l’air tels un fouet :

« Ton temps de parole est écoulé… »

Sur ces paroles solennelles, Teranya retira d’un geste vif les deux lames des épaules pour les lui planter en pleine poitrine et, se rapprochant, poser un doux baiser sur les lèvres de sa cousine…

« Et merci de ton aide… »

La vie s’échappant doucement de la succube, les brumes revinrent autour des deux protagonistes qui furent toutes deux plongées dans les ténèbres…

Chapitre 4 – Le réveil

Le vent soufflait par l’ouverture de l’abri de glace. Bien que l’entendant parfaitement, Teranya n’ouvrit pas les yeux tout de suite. Un goût âpre dans la bouche, elle profitait au maximum des premières bouffées d’air depuis des mois. Son corps se remettait lentement en marche. Plusieurs minutes passèrent avant qu’elle n’ouvre finalement les yeux pour se redresser sur les avant-bras.

Observant l’abri de glace érigé par la demi-angèle Ciguë des mois plus tôt, son regard tomba finalement sur le corps inanimé de sa cousine allongé tout contre elle. Elle semblait endormie mais bien que sa poitrine se soulevait régulièrement, son esprit était loin d’être en état de se réveiller.

Etirant ses jambes langoureusement, elle attrapa quelque chose de nourrissant parmi les vivres présentes dans l’igloo et resta quelques instants accroupie à reprendre des forces au dessus de la succube étendue.

Il lui fallait agir, et notamment déposer le corps de Venusya à la Hell’s Squad. Celle-ci avait beau avoir été d’une naïveté déplorable (elle n’en avait pas attendu plus d’elle…), il appartenait aux Hell’s de décider de son devenir. Ensuite il lui faudrait intégrer les Hell’s. C’était l’unique voie pour Teranya : rejoindre la seule faction qui avait un sens pour elle. Pour cela, envoyer une missive à la Hell’s Squad semblait prioritaire avant de rejoindre la Citadelle des Ames. Pour cette missive, la reine succube pensa à son frère Terasus qui avait un petit repaire non loin de là, dans les montagnes un peu plus au sud : elle trouverait de quoi l’envoyer là bas, mais aussi de quoi s’équiper, ainsi que des vivres.

Sortant de l’igloo en traînant le corps derrière elle, elle le hissa sur ses épaules et se mit en route vers le sud au petit trot. Elle adorait courir ainsi, sentant les gouttes de sueur rouler sur ses courbes généreuses. Ses forces revenaient vite, elle serait bientôt au summum de sa forme, et surtout bientôt arrivée.

A peine quelques heures plus tard, elle se retrouva enfin face à l’entrée discrète du repaire, qui était en fait une caverne creusée à même la roche. Entrant sans prudence, elle se figea sur le seuil. Non pas que ses yeux mettent du temps à s’habituer à l’obscurité (il leur avait fallu une fraction de seconde pour cela), mais la présence de Terasus assis dans un fauteuil face à l’entrée, semblant l’attendre, la prit par surprise.
Un silence lourd s’installa pendant quelques longues secondes où personne ne bougea avant que Teranya ne décide que cela avait assez duré et se dirige vers le bureau de son frère, pour y déposer délicatement sa cousine sur le siège, et sortir un parchemin d’un des tiroirs. Elle s’exclama d’un air distrait :

« Que fais-tu ici frérot ? Tu fuis le combat ? »

Terasus ne la quittait pas des yeux, sourit, puis parla d’une voix douce :

« Ainsi, tu es bel et bien de retour… »

Son regard se posa sur le corps inanimé de Venusya. Il continua :

« J’ai reçu une courte lettre de notre chère… et maintenant regrettée je suppose… cousine m’indiquant qu’elle partait te chercher… »

« Mais tu n’y a pas cru… »

Le mépris était perceptible dans la voix de la reine succube.

« Non je n’y ai pas cru, tu avais disparu si brutalement… Et Venusya est… était si volatile parfois… Apparemment je me suis trompé… »

« Tu n’es qu’un mâle... »

Elle reprit l’écriture rapide de sa missive.

« Certes oui, on ne se refait pas, soeurette… Je savais que tu viendrais ici par exemple. »

Ayant fini l’écriture de sa lettre, Teranya posa sa plume d’ange, se retourna lentement et dit d’un ton chargé de menaces :

« Tu ne l’as pas ‘perdu’ au moins ? »

Ne semblant pas faire attention au regard bouillant de sa parente, Terasus se contenta d’indiquer le coffre à côté du bureau.

Faisant sauter la serrure et provoquant des grincements de la part du démon, pour ensuite soulever le couvercle et pousser une exclamation de soulagement. Lentement elle en retira un long et large fouet finement tressé et dont le manche était recouvert de gemmes semblant briller d’un feu intérieur. Une voix s’éleva dans le dos de la succube :

« Je me demande toujours pourquoi tu t’en es séparé la dernière fois que tu es venue ici… »

Sortant de son air réjoui d’avoir retrouvé un objet cher à son cœur, elle se renfrogna et dit sans se retourner :

« T’occupe ! Ca ne te regarde pas ! »

« Oh, je vois que madame est susceptible ! Et que vas tu faire maintenant, avec ton arme et ton… » Terasus montra d’un air dédaigneux le corps de sa parente au regard éteint « … fardeaux ? »

Le claquement du fouet se fit entendre sans crier gare : en un instant Terasus vit son avant bras étreint de fibres enroulées qui lacéraient sa peau.

« J’ai dit t’occupe ! Mes affaires sont mes affaires, tout comme les tiennes sont les tiennes… Le jour où je partagerai mes pensées avec un mâle de ton acabit n’est pas arrivé ! Sur ce, tu permets, l’air devient invivable ici ! »

Prononçant ses mots, Teranya relâcha la tension de son fouet, remit sa cousine sur ses épaules, attrapa un sac de victuailles qu’elle avait repéré dès son entrée, et sortit en trombe. Terasus se massa l’avant bras en se félicitant du retour de sa sœur, l’avenir était peut-être moins sombre que prévu… Se remettant dans son fauteuil favori, il reprit place devant la porte, reprenant la lecture d’un excellent bouquin de Gormoth sur l’art de la guerre.

En sortant, Teranya attacha la missive à un pigeon qu’elle envoya à la Citadelle des Ames, et se mit en route… Venusya y serait soumise au bon vouloir de ses sœurs, ainsi que la reine succube. Mais elle était confiante en l’avenir, après tout, n’était-ce pas l’aube de son retour ?