La Citadelle des Ames

De loin, on distinguait des silhouettes de pics noirs dressés vers le ciel comme des doigts accusateurs, reliés entre eux par des pontons de pierre brute. Le bas de la construction se perdait dans des brumes épaisses, mais rien ne semblait contredire l’aura de puissance qui se dégageait du bâtiment.

Au fur et à mesure que l’on s’approchait, la foule devenait plus dense. On marchait à présent en remontant des fleuves d’eau souffreteuse, et dont la source ne devait pas être moins que la base de la construction elle-même. Les marcheurs croisaient des statues de marbre ou de pierre de lave impressionnantes de par la force qui s’en dégageait et de l’air scrutateur dont elles vous fixaient. Leurs crocs luisants, leurs armes gigantesques faisaient frissonner les plus téméraires. Gardiennes intouchables et indestructibles, elles regardaient défiler les visages noirs, blancs, rouges ou cachés d’un air impassible.

Arrivé au pied du bâtiment, le voyageur levait la tête, et tentait de percevoir à travers les nuées blanches les formes des tours ou des annexes. De toutes les ouvertures s’échappaient des clameurs, des lueurs de torches enflammées et des rires gras. L’agitation à l’intérieur même était inimaginable. Des gargotes, d’immenses fours étouffants de chaleur, de grandes maisons aux ouvertures encombrées de visages de succubes ou de femmes, des rues sitôt larges ou étroites encombrées de buveurs ou de guerriers en quête d’amusements.